Sexomonarchie by Henri de Romèges

Sexomonarchie by Henri de Romèges

Auteur:Henri de Romèges [Romèges De Henri]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Michel Lafon
Publié: 2012-12-31T20:00:00+00:00


Il fait lourd. Voilà plusieurs jours que Louis XIV ne se lève plus – depuis qu’il s’est évanoui dans son bain. Il est épuisé. Il a soixante-dix-sept ans. C’est un immense vieillard.

Les médecins venus l’ausculter ont constaté qu’une de ses jambes avait noirci jusqu’au pied. Il n’y a plus de doute : c’est la gangrène, et elle a même gagné l’os.

Les courtisans courent d’un bout à l’autre du château pour être les premiers à rendre hommage aux nouveaux maîtres, en fonction des coteries auxquelles ils appartiennent : les uns parient sur le duc du Maine, le fils que le roi a eu avec madame de Montespan et qu’il a légitimé, d’autres sur le duc d’Orléans, son neveu, qui devrait être nommé régent du royaume, d’autres encore sur le roi d’Espagne, son petit-fils… L’héritier officiel, le Dauphin, ne compte pas : ce n’est qu’un enfant de cinq ans…

Le roi a fait la paix avec tout le monde, s’excusant auprès de chacun d’avoir pu être un jour blessant. Le lendemain, il demandera pardon à Françoise de Maintenon de n’avoir pas su la rendre heureuse.

Il somnole. La veille, les gardes française et suisse sont venues jouer une dernière aubade sous les fenêtres de sa chambre, et il lui semble entendre encore quelques airs de menuet…

Il a demandé qu’on fasse venir à son chevet son arrière-petit-fils, le jeune duc d’Anjou, cet enfant sur qui reposent tous les espoirs de la dynastie : son grand-père est mort, son père est mort, ses frères sont morts. Il est l’ultime rejeton d’une famille qui fut très nombreuse, mais que la Grande Faucheuse a décimée en quelques années.

L’enfant paraît, donnant la main à sa gouvernante, silencieux, intimidé, impressionné par cette figure hiératique qu’il n’a jamais entraperçue que de loin. « Approchez-vous, monsieur », lui dit Louis XIV dans un souffle. Le petit Louis lève la tête vers sa gouvernante, quêtant un assentiment et, sur un signe d’elle, s’avance vers le vieillard décharné au teint gris. Le roi tente avec peine de se redresser sur ses oreillers et tourne la tête vers lui : « Mon mignon, vous allez être le plus grand roi du monde. N’oubliez jamais les obligations que vous avez envers Dieu. Ne m’imitez pas dans les guerres ; tâchez de vous maintenir en paix avec vos voisins, et de soulager votre peuple autant que vous pourrez, ce que j’ai eu le malheur de ne pouvoir faire… »

Le Roi-Soleil s’éteignit le samedi. Ses derniers mots furent : « Ô mon Dieu, hâtez-vous de me secourir… »



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